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Les règles sociales justifient des restrictions à la libre circulation des substances chimiques

L'arrêt de la Cour de Justice du 11 juillet 2000 dans l'affaire C-473/98 Kemikalieinspektionen c/ Toolex Alpha AB aborde d'importantes questions de principe

Il s'agissait d'une question préjudicielle soulevée par une juridiction administrative suédoise qui porte sur la loi suédoise 1985/426 relative aux produits chimiques. Sur la base de cette loi, des textes réglementaires peuvent interdire la mise sur le marché de certains produits chimiques pour des raisons de protection de la santé ou de l'environnement. Tel est le cas du trichloréthylène depuis le 1er janvier 1996 avec cependant des dérogations possibles accordées par l'inspection des produits chimiques.
Une société suédoise Toolex Alpha AB s'est vu refuser le droit d'utiliser du trichloréthylène au-delà du mois de mars 1997 parce qu'elle ne pouvait pas présenter un plan indiquant quand elle substituerait le trichloréthylène par une substance moins dangereuse. Cette décision de l'inspection des produits chimiques avait fait l'objet d'un recours devant un tribunal administratif. Celui-ci avait annulé la décision en considérant que la législation suédoise n'était pas conforme à la réglementation communautaire. L'inspection des produits chimiques avait interjeté appel et c'est la Cour administrative d'appel qui avait posé une question préjudicielle

Dans ses observations présentées durant la procédure, la Commission a pris position contre la réglementation suédoise. Elle considère que celle-ci a pour but d'entraîner une reclassification de cette substance plus sévère que celle opérée par la directive 67/548, que la Suède contrevient à la procédure prévue à l'art. 31 de cette directive et à l'obligation (art. 30) d'accepter la mise sur le marché des substances qui répondent aux exigences de la directive.
La Commission considère que la combinaison des règles communautaires existantes (directives de 1967, de 1976 sur la limitation de la mise sur le marché et de 1993 sur l'évaluation des risques des substances existantes) rendent inutile ou disproportionnée toute mesure nationale d'interdiction du trichloréthylène.

Dans son arrêt du 11 juillet 2000, la Cour de Justice a suivi les conclusions présentées par l'avocat général Mischo le 21 mars 2000. Cet arrêt rejette le point de vue de la Commission. L'arrêt porte essentiellement sur les points suivants:

  • La Cour indique que la réglementation communautaire existante consiste essentiellement en trois actes: la directive du 27 juin 1967 sur la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses, la directive du 27 juillet 1976 sur la limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et le règlement du 23 mars 1993 concernant l'évaluation et le contrôle des risques présentés par les substances existantes. La Cour montre que loin de réaliser une harmonisation complète des dispositions concernant les substances dangereuses, ces trois directives portent sur des aspects particuliers. La directive concernant la classification se borne à des mesures d'information destinées au public sans harmoniser les conditions de mise sur le marché. La directive concernant la mise sur le marché n'énonce que des dispositions minimales pour un certain nombre de substances. La Cour précise "elle ne fait évidemment pas obstacle à la réglementation, par un Etat membre, de la mise sur le marché de substances qu'elle ne vise pas, telles que le trichloréthylène". Enfin, le règlement sur l'évaluation des risques est destiné à mettre en place des procédures communautaires d'évaluation des risques de manière à identifier les substances qui nécessitent une attention immédiate au niveau communautaire. Ce règlement ne s'oppose pas à des mesures nationales d'évaluation et de gestion des risques. En l'absence de toute disposition communautaire précise concerne le trichloréthylène, la Suède pouvait adopter des mesures nationales qui tiennent compte des risques associés à cette substances.

  • Pour la Cour, l'interdiction suédoise est justifiée par l'art. 36 du traité CE (devenu, après modification, art. 30). La réglementation suédoise constitue bien une mesure restrictive du commerce. Mais celle-ci repose uniquement sur des considérations de protection de la santé et de la vie des personnes ou de protection de l'environnement. Le gouvernement suédois a fait état de données scientifiques concernant les dangers liés à l'exposition au trichloréthylène. Celui-ci "affecte le système nerveux central, le foie et les reins. Sa très grande volatilité contribuerait à multiplier les situations d'exposition qui pourraient facilement avoir des effets négatifs sur la santé. Son inhalation pourrait provoquer de la fatigue, des maux de tête ainsi que des troubles de la mémoire et de la concentration" (point 41 de l'arrêt). L'arrêt reprend les arguments de l'avocat général qui invoquaient un principe général de substitution. L'avocat général avait été très net: "aucune de ces directives (directives sociales concernant la santé au travail) ne vise le cas d'espèce, mais elles ont en commun qu'elles prévoient chacune l'obligation pour un employeur de mettre en œuvre des mesures de protection des travailleurs, notamment sur la base d'un principe général de prévention qui consiste à éliminer ou diminuer les risques en remplaçant une substance à risque par d'autres, moins dangereuses. Le principe de substitution n'est pas inconnu du droit communautaire et l'on voit mal, dès lors que le risque pour la santé et l'environnement est établi, pourquoi un législateur national, dans le cadre de l'article 36 du traité, ne pourrait pas fonder sa législation sur un principe reconnu du droit communautaire". L'arrêt mentionne explicitement la directive-cadre de 1989 et la directive sur les agents cancérigènes de 1990 pour dégager un "principe de substitution". A notre connaissance, c'est la première fois qu'un arrêt consacre un principe général tiré des directives sociales pour justifier des mesures nationales qui affectent la libre circulation des marchandises.

  • Enfin, l'arrêt considère que la réglementation suédoise ne contrevient pas au principe de proportionnalité dans la mesure où elle prévoit des dérogations possibles pour autant que l'exposition au trichloréthylène ne soit pas inacceptable.

Référence: Affaire C-473/98 Kemikalieinspektionen / Toolex Alpha AB

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Dernière mise à jour : 10/11/2008
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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