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L'autorégulation dans la pratique: l'accident de Tokaimura

Un accident est souvent décrit comme un événement imprévisible. Dans le cas de l'irradiation grave d'une cinquantaine de travailleurs de l'usine de fabrication de combustibles de la Japan Nuclear Fuels Conversion Company (JCO) à Tokaimura, il est serait abusif de prétendre que l'événement était imprévisible. La JCO est une filiale de Sumitomo Metal Mining Co, importante multinationale qui possède notamment des mines de cuivre et d'or au Chili, aux Etats-Unis et en Australie et qui fait partie du groupe Sumitomo dont le chiffre d'affaires net s'est élevé à 94 milliards de dollars pour l'année fiscale 1999. L'usine de Tokaimura se situe dans une zone urbaine densément habitée, à 110 km de Tokyo. En 1997 déjà, 37 travailleurs de l'entreprise avaient été irradiés.

Le premier octobre 1999, les faits ont été encore plus tragiques: deux des trois travailleurs les plus directement exposés sont dans un état grave et pourraient ne pas survivre, cinq autres ont absorbé des doses dépassant la limite annuelle légale d'exposition de 50 mSv et l'on ignore actuellement la portée exacte des dommages pour la population. Le personnel des services de secours d'urgence (pompiers, infirmières, etc...), non informé du caractère nucléaire de l'accident, a également subi des expositions importantes. Les premiers éléments de l'enquête montrent que la version initiale suivant laquelle l'accident était dû à l'erreur humaine est absurde et cynique. Au lieu de suivre un procédé mécanique qui permettait de contrôler les masses d'uranium placées dans une solution d'acide nitrique, la JCO faisait travailler son personnel avec des seaux métalliques n'offrant aucune protection pour transvaser l'uranium liquéfié. La cuve de décantation a fini par contenir 16 kilogrammes d'uranium (au lieu d'un maximum de 2,4 kg). Une telle méthode de travail devait permettre de réduire les coûts et de gagner du temps. L'enquête a fait apparaître que la JCO disposait de deux séries de manuels d'opérations. La première était soumise aux inspections et correspondait aux normes publiques, la seconde contenait les consignes réellement données aux ouvriers et privilégiait la rentabilité au détriment de la sécurité. Par ailleurs, il semble que l'un des travailleurs directement impliqués dans l'accident n'avait que deux mois d'ancienneté dans l'entreprise et aucun n'avait reçu une formation adéquate.

La revendication du monde patronal de conquérir des espaces majeurs d'autorégulation se heurte à la contradiction entre le profit des entreprises privées et la santé et la sécurité tant des travailleurs que de l'ensemble de la population. Les événements de Tokaimura montrent aussi l'inadéquation des systèmes d'inspection et de contrôle qui privilégient l'examen de la documentation fournie par l'entreprise sans vérifier les conditions du travail réel. Si ces événements imposent un débat plus général sur le choix de l'énergie nucléaire, il nous semble qu'ils soulèvent également les problèmes de l'importance de normes publiques, précises, contrôlées et sanctionnées de façon efficace et contribuent à mettre en cause le mythe selon lequel les grandes entreprises multinationales ont intégré dans leur stratégie économique les exigences de la défense de la santé et de l'environnement.

Sources: dossier du Citizens' Nuclear Information Center au Japon et articles du Monde, Il Manifesto et El País.

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Dernière mise à jour : 10/11/2008
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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