24/11/2006
Alors que les Emirats arabes unis connaissent un des booms immobiliers les plus importants au niveau mondial, le gouvernement fédéral est incapable de mettre un terme aux abus gravissimes des droits du demi-million de travailleurs migrants employés sur les chantiers de construction, dénonce Human Rights Watch dans un rapport qui vient d'être rendu public. Le rapport "Building Towers, Cheating Workers" ("Construction des tours, travailleurs grugés") repose sur de nombreuses interviews de travailleurs migrants, d'entrepreneurs et de représentants gouvernementaux.
Les Emirats recrutent principalement des travailleurs de la construction dans des pays du Sud-Est asiatique tels que l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh. Les 2,7 millions de travailleurs migrants que compte le pays représentent jusqu'à 95 % de la force de travail totale. Les agences de recrutement, situées dans et en-dehors des Emirats, forcent de manière totalement illégale les travailleurs, plutôt que leurs futurs employeurs, à payer de 2.000 à 3.000 dollars pour couvrir les frais de voyage, de visa et les taxes gouvernementales. Pour payer ces sommes importantes, la totalité des 60 travailleurs interviewés par HRW ont déclaré qu'ils avaient accepté des prêts octroyés par les agences de recutement avec des taux d'intérêt mensuels allant jusqu'à 10%.
L'organisation de défense des droits de l'Homme dénonce également la confiscation par les employeurs d'au moins deux mois de salaires ainsi que du passeport des migrants afin que ceux-ci ne les quittent pas. De plus, la législation des Emirats interdit à un employé d'accepter un nouveau travail sans l'autorisation de son employeur précédent. HRW n'a pu découvrir le moindre cas d'entreprise qui aurait été condamnée à des amendes ou à une condamnation pénale pour ne pas avoir payé les salaires de ses travailleurs ou pour tout autre violation de la législation du travail. Les salaires pratiqués dans le secteur de la construction se situent dans une fourchette de 106 à 250 dollars par mois, alors que le salaire moyen national dépasse les 2.000 dollars mensuels. Malgré les nombreuses manifestations organisées ces derniers mois par les travailleurs exploités, rien ne bouge du côté du gouvernement qui n'est toujours pas parvenu à fixer un salaire minimum comme le prévoit pourtant la législation du travail adoptée en 1980.
Chaque année, des centaines de travailleurs migrants de la construction perdent la vie dans les Emirats dans des circonstances restées inexpliquées. Les statistiques gouvernementales sont de peu de secours. En effet, le gouvernement semble peu pressé de faire respecter sa propore législation qui impose à l'employeur de déclarer les décès et les blessures occasionnés par un accident du travail.
L'Emirat de Dubai est le seul au sein de la fédération qui dispose de statistiques sur les accidents du travail. Celles-ci ne font état que de 34 accidents mortels. Ces chiffres sont basés sur des informations fournies par à peine six entreprises de construction. Un responsable du consulat indien de Dubai a pourtant déclaré à HRW avoir enregistré 971 décès de ressortissants indiens en 2005, dont 61 provoqués par un accident du travail. En mars dernier, le gouvernement a promis de légaliser les organisations syndicales avant la fin de l'année. En septembre, il adoptait pourtant une loi interdisant les grèves et menaçait d'expulsion les ouvriers grévistes.
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