Les négociations visant à mettre fin à la dérogation, dite "opt-out", dont bénéficie la Grande-Bretagne sur la durée du temps de travail au sein de l'Union européenne se sont soldées par un échec mardi à Bruxelles.
Les Français et les Britanniques, opposés sur cette question, ne sont pas parvenus à surmonter leurs profondes divergences. La ministre du Travail de Finlande, Tarja Filatov, a annoncé que la France, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et Chypre étaient restés fermes sur leurs demandes d'obtenir la suppression à terme de l"'opt-out", en fixant une date précise.
"Je ne vois aucun sens à poursuivre" les négociations, a-t-elle expliqué à ses homologues européens, après le rejet par ces cinq pays d'un compromis final, qui n'incluait pas de date-butoir pour que la Grande-Bretagne mette fin à l"'opt-out".
Le blocage risque de durer longtemps. Le secrétaire d'Etat allemand au ministère fédéral du travail, Gerd Andres, a en effet annoncé que son pays, qui prendra le relais de la Finlande en janvier prochain, ne remettrait pas ce dossier sur la table. Il faudra donc attendre au mieux le second semestre de 2007.
Le commissaire européen aux Affaires sociales, Vladimir Spidla, a de son côté averti les Etats membres qu'il lancerait rapidement des poursuites contre les 23 Etats membres qui n'appliquent pas correctement le directive sur le temps de travail.
A part l'Italie et le Luxembourg, les Etats membres sont en effet sous la menace d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne qui a déclaré que le temps de garde "inactif" des médecins, pompiers et autres agents de sécurité devait être considéré comme du temps de travail à compenser.
Faute d'accord, la directive sur le temps de travail n'est pas modifiée pour contourner cet obstacle juridique et certains pays seront incapables de financer le fonctionnement de leurs hôpitaux ou de leurs services de police, a estimé Spidla.
"Il aurait été impossible d'organiser la Coupe du Monde en Allemagne en respectant la directive sur la durée du temps de travail", s'est exclamé le ministre allemand.
La Finlande avait mis sur la table une proposition de compromis qui donnait aux Etats membres le choix.
Soit ils gardaient, comme le veut le Royaume-Uni et une série de pays de l'Est, la possibilité de déroger ("opt-out") à la durée maximale hebdomadaire du temps de travail dans les contrats individuels, qui est de 48 heures.
La Finlande prévoyait de réexaminer la dérogation pour y mettre fin sur la base de rapports réalisés avec les partenaires sociaux, mais sans la date-limite voulue par les cinq pays.
Les pays qui auraient choisi de respecter la durée maximale de 48 heures auraient disposé d'une souplesse supplémentaire, puisque le calcul se serait fait en moyenne sur une année.
Le problème du temps de garde inactif aurait été résolu pour ces Etats membres, puisqu'il n'aurait pas été pris en compte, sauf si le contraire était prévu par accord collectif ou loi.
La France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce et Chypre ont justifié leur choix en soulignant qu'ils préféraient l'absence d'accord à un mauvais accord pour l'Europe sociale.
Le ministre français délégué à l'Emploi, Gérard Larcher, a estimé qu'il ne s'agissait pas seulement d'une "question technique" mais d'un "élément fondamental de la protection de la santé des travailleurs" dans la concurrence mondiale.
"La France souhaite que cette compétition soit loyale et n'aboutisse pas au moins-disant social", a-t-il expliqué en rappelant que les Français avait dit "non" à la Constitution européenne parce qu'ils la jugeaient trop libérale.
Pour lui, l'opt-out se base sur une "hypothétique liberté" du salarié qui, dans la réalité, n'a guère le choix: il faut donc une date "finale, certaine et inscrite dans le texte" pour organiser dès à présent sa suppression totale.
Pour certains, le gouvernement français a joué la politique du pire en raison de la campagne électorale présidentielle.
"Il était impossible de parvenir à un accord parce que le gouvernement français s'y est ouvertement opposé", a dit, visiblement fâché, Gerd Anderse.
Le Commissaire Spidla a lui aussi dénoncé ce comportement qui permet en effet aux Britanniques de préserver leur opt-out, sans perspective aucune de voir cette dérogation supprimée.
"Cela ne représente pas un progrès social, mais un recul", a-t-il estimé en pronostiquant que des pays plus nombreux feraient usage de l'opt-out pour faire fonctionner leurs services, notamment médicaux, déjà surchargés.
Source : Reuters, Associated press