10/09/2008
Le programme national de toxicologie (NTP), qui dépend des instituts nationaux de santé des Etats-Unis, a livré le 3 septembre 2008 son rapport final sur le bisphenol A (BPA), un produit chimique qui a la particularité d'imiter l'oestrogène, l'hormone sexuelle présente chez les êtres vivants. Le rapport du NTP indique que le BPA suscite "quelques inquiétudes" pour ses effets sur le cerveau, la glande prostatique et sur le comportement du foetus, des enfants en bas âge et des enfants. Le produit chimique suscite une "inquiétude minimale" en ce qui concerne ses effets sur la glande mammaire et sur la puberté précoce chez les adolescentes exposées au cours de la grossesse de leur mère ou au cours de leur petite enfance. Ses effets sur la santé reproductive des adultes qui y sont exposés au travail est également jugée peu préoccupante par le NTP. L' inquiétude de cet organisme est qualifiée de "négligeable" pour la mortalité foetale ou néonatale, les malformations congénitales, le faible poids à la naissance, la croissance des bébés des femmes exposées au BPA pendant leur grossesse, ainsi que pour ses effets reprotoxiques chez les adultes qui ne travaillent pas avec le BPA.
Malgré ces différents niveaux d' "inquiétude", le rapport ne recommande pas l'interdiction du BPA mais plaide plutôt pour plus de recherche afin de comprendre entièrement comment le produit chimique affecte la santé humaine. "Il subsiste une incertitude considérable autour de la question de savoir si les modifications constatées dans les études sur les animaux peuvent être extrapolées à l'homme, et si ces modifications affectent nécessairement la santé humaine. Mais nous avons conclu que la possibilité que BPA peut porter atteinte à la santé humaine ne peut pas être écartée", a déclaré John Bucher, directeur associé au NTP.
Le produit chimique est l'enjeu d'un très vive polémique scientifique depuis avril de cette année, à la suite de la diffusion dans la presse de résultats préliminaires du rapport du NTP indiquant que l'exposition à de faibles doses de BPA provoquait chez les souris des tumeurs précancéreuses de la prostate, des troubles du système urinaire et une puberté précoce.
Ces conclusions préliminaires ont été fortement contestées par les représentants de l'industrie plastique, qualifiant ces expériences de laboratoire de peu concluantes et défectueuses. Mais ces résultats ont été confirmés entre-temps par d'autres études qui ont suscité l'inquiétude chez les consommateurs. En août 2008, les chercheurs de l'université de Cincinnati ont associé le BPA à un risque accru de crise cardiaque et de diabète chez l'adulte par sa capacité à supprimer la production d'une hormone qui protège les personnes contre ces affections.
Début septembre, des chercheurs de l'université de Guelph dans l'Ontario et de l'université de Yale dans le Connecticut ont constaté que le BPA "cause la perte de raccordements entre les cellules du cerveau" qui pourraient altérer la mémoire ou causer la dépression. Les chercheurs estiment que l'exposition à de bas niveaux de BPA peut bloquer la formation de plusieurs types de synapses dans le cerveau. La synapse est la zone de contact entre deux cellules du cerveau (les neurones) qui assure la communication entre celles-ci. En dépit de ces avertissements, la Food and Drugs Administration (FDA), l'instance de contrôle des produits alimentaires des États-Unis a déclaré en août que les preuves scientifiques étaient insuffisantes pour interdire le BPA des produits alimentaires et des produits pour bébés. La FDA estime que les récipients en polycarbonates, qui contiennent du BPA, ne représentent pas un danger pour la santé des nourrissons.
En Europe, l'administration européenne en charge de la sûreté alimentaire, l'EFSA, a affirmé fin juillet que le BPA ne pose aucun risque pour la santé humaine. L'EFSA a indiqué qu'un panel de scientifiques a constaté que les adultes et les enfants en bas âge métabolisent et éliminent rapidement le BPA.
Aux États-Unis, quelques États envisagent de limiter l'utilisation du BPA dans les produits destinés aux mineurs, et le congrès évalue plusieurs scénarios comprenant une interdiction du BPA dans les produits pour enfants ou une interdiction dans les contenants alimentaires. Au Canada, le ministre de la santé a proposé en avril d'ajouter le BPA à la liste canadienne des substances toxiques, ce qui ferait de ce pays le premier au monde à prendre une mesure aussi radicale.
Des groupes privés comme Wal Mart avaient annoncé dès avril le retrait des produits contenant du BPA aux Etats-Unis. Environ 3.000 tonnes de BPA sont produites chaque année aux Etats-Unis, selon CNN.
Le BPA est employé principalement pour fabriquer le plastique polycarbonate et les résines époxydes, tous deux présents dans un éventail de produits de consommation courante tels que des biberons, des emballages alimentaires et des récipients pour boissons.
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