L'enjeu de cette affaire était d'une importance capitale. Il dépassait largement l'objet direct du litige. De façon très résumée, il s'agit d'une entreprise française qui importait de la viande. Suite à l'adoption de directives communautaires interdisant des hormones, cette entreprise a traversé des difficultés économiques et a fini par être mise en liquidation. En première instance, l'entreprise "Etablissements Biret" a réclamé des dommages et intérêts parce que le Conseil n'a pas modifié les règles communautaires d'interdiction des hormones en dépit de la recommandation de l'Organe de Règlement des Différends de l'OMC. Le Tribunal de Première Instance de la CJCE a rejeté cette argumentation et considéré notamment que le fait de se conformer à une recommandation de l'ORD de l'OMC relevait de la responsabilité politique du Conseil et qu'une telle recommandation était dépourvue d'effet direct en droit communautaire (pour plus de détails, voir l'Arrêt du tribunal de première instance du 11 janvier 2002, Biret c/ Conseil)..
L'entreprise a intenté un recours. Dans ses conclusions présentées le 15 mai 2003, l'Avocat général Siegbert proposait l'annulation de l'arrêt du Tribunal de Première Instance. Il considèrait que les recommandations de l'ORD de l'OMC avaient un effet direct en droit communautaire tout en reconnaissant qu'il existait une marge d'appréciation du Conseil sur la manière de mettre en oeuvre ces recommandations. L'argumentation de l'Avocat général était basée notamment sur la considération que le droit fondamental d'exercer une libre activité économique militerait en faveur de la reconnaissance d'un effet direct aux recommandations et décisions de l'ORD de l'OMC.
Si une telle position avait été suivie par la Cour de Justice, ses conséquences auraient été considérables. Elle aurait établi une sorte de prééminence tant des accords que du droit dérivé de l'OMC (notamment issu de la procédure de règlement des différends) sur le droit communautaire. Une telle situation aurait eu un impact négatif important dans le domaine social, pour l'environnement et pour la santé.
L'arrêt de la Cour de Justice du 30 septembre 2003 va heureusement à l'encontre des conclusions de l'Avocat général. La Cour refuse de reconnaître un effet direct aux accords de l'OMC. Elle confirme sa jurisprudence antérieure en la matière et indique notamment que "compte tenu de leur nature et de leur économie, l'accord OMC et ses annexes, pas plus que les règles [de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT)] de 1947, ne figurent en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour et le Tribunal contrôlent les actes des institutions communautaires en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, premier alinéa, CE), qu'ils ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci pourraient se prévaloir en justice et que leur violation éventuelle n'est donc pas susceptible d'engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté".
Références: Affaire C-94/02 P, Arrêt du 30 septembre 2003.
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